Le temps du silence qui régnait ici depuis longtemps touche maintenant à sa fin. Les instruments sont prêts, les musiciens fantomatiques sont en place et guettent le signal. Derrière la colline, un lointain murmure vient de naître.
L'ouverture est longue, simple et discrète. Les lueurs de l'aube ont réchauffé les tuiles et dilaté la charpente qui craque doucement, rompant parfois le leitmotiv du chant des tourterelles. Les arbres caressés par les vents bruissent faiblement.
Ce matin pourrait ressembler aux matins ordinaires dans une demeure poussiéreuse mais un calme inhabituel présage d'un trouble imminent. La lumière devient verdâtre puis décline, chassée par les sombres nuées qui enveloppent le château. La force des vents s'accroît, annonçant l'arrivée de la grande tempête.


Une lueur aveuglante fuse soudain par les fenêtres, métamorphosant pour un instant les moindres reliefs en créatures difformes qui s'enfuient terrifiées lorsque la détonation retentit.
Un volet se referme violemment en grinçant. Sa course s'achève contre le mur, il claque, rebondit puis reprend sa course lancinante tel un métronome obstiné


Allant crescendo, les bourrasques malmènent les poutres délabrées, virevoltent dans l'escalier puis viennent hurler leur fureur dans les couloirs désertés. Un crépitement sec martèle la toiture d'où jaillit soudain un scintillant déluge qui descend dans les étages pour terminer sa course sur le plancher éventré. Le monarque des vents impose la cadence aux éléments déchainés. Des tuiles tourbillonnent depuis les combles et s'insinuent dans l'orchestre en un staccato retentissant lorsqu'elles explosent sur le mobilier ruisselant.
Un plafond s'effondre avec fracas sur un piano oublié. Des fenêtres éclatent et donnent la réplique aux éclairs qui s'acharnent sur la toiture et ébranlent les fondations.


L'affrontement fut dantesque mais de courte durée. Après avoir dominé les combats, les vents se retirent avec majesté. Des flots tumultueux qui dévalaient l'escalier, ne subsiste plus qu'un ruisseau qui se tarit rapidement et disparait dans l'ouverture d'une cave engloutie.


Quelques ombres épuisées rampent encore dans les couloirs torturés qui retrouvent leur calme habituel. Les cieux purifiés scintillent désormais de milliards d'étoiles. C'est un matin ordinaire qui s'annonce. L'aube lumineuse et la brise légère viendront bientôt frôler les ruines d'un manoir perdu au milieu de nulle part.

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