Quelle sensation rare que ce passage furtif dans ces univers que je côtoie depuis si longtemps. Je devrais probablement m'affliger de ce qui n'est plus que ruine et déchéance. L'image de plafonds éventrés, d'un mobilier ravagé, d'une demeure promise à un sombre destin devrait-elle me troubler?
Il n'en est rien. Ici, je suis en paix, seul au monde. Dans ces havres de sérénité, chaque son est un intrus pour ma conscience qui se dilue avec délice dans une fascinante contemplation.
J'y plonge, l'encourage même, et suis entrainé vers des visions d'immenses et lointains espaces qui m'apaisent. Cette solitude, je la partage avec des présences incertaines et furtives que je convoque et qui m'escortent de salles en salles. Nous y admirons des murs craquelés comme autant de sculptures aux textures complexes et délicieusement humides.
La vision se prolonge, échappe à mon contrôle et s'amplifie. Les couleurs se font plus rares, les murs se désagrègent et nous naviguons dans une clarté grandissante, approchant cette frontière invisible que je pressens. Nos esprits franchissent les décombres matériels qui bientôt disparaissent, absorbés par un vide définitif, une lumière absolue qui m'attire toujours plus loin.